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promenades japonaises.

Mais cette sorte de mugissement chromatique et rythmé, produit par de nombreuses voix d’hommes, rappelle les grandes harmonies de la nature. Tantôt on reconnaît la plénitude et la vigueur du bruit de la mer, tantôt le chant plaintif et doux du vent dans les grands pins, tantôt le murmure agité et puissant d’un peuple assemblé. Ce n’est pas une prière, c’est un bruit d’êtres, un concert d’âmes, une harmonie venue des mondes extrahumains.

Chose curieuse : aucune dissonance ne blesse l’oreille. Par ce frôlement de notes voisines, il se forme des harmoniques qui renforcent la sonorité et donnent les vibrations des grosses cloches. C’est grandiose et mystique, c’est comme un océan qui adore ; ce bruit ému et palpitant doit faire tressaillir l’âme de tous les bouddhas.

Quant à moi, j’en suis tout émotionné et fort surpris de ressentir une vive impression en présence d’un chaos de notes qu’on ne pourrait ni écrire, ni harmoniser.

Le drame religieux se déroule peu à peu. Les prosternements succèdent aux cantiques, les récits alternent avec les mouvements des prêtres autour de l’autel.

On ne peut pas bien voir ce que l’officiant fait, accroupi dans sa cage.

Des diacres apportent des plats d’or ajourés, ornés de gros glands de soie violets et blancs. Ces plats sont remplis de fleurs de chrysanthèmes jaunes, privées de leurs tiges.