Aller au contenu

Page:Guinault - Le numéro treize (1880).pdf/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
LE NUMÉRO TREIZE

Le loup s’acharne sur les provisions, de sorte que Jacques eut le temps d’arriver à la maison avant que le loup eût l’idée de le poursuivre. Mais il n’osa plus retourner à l’école de l’hiver.

— Vous me prêterez votre serpe, père, et je tuerai le loup.

— Ah ! ahl ah ! le brave petit homme ! Attends encore un peu, fillot, tu auras à faire ici, ce n’est pas comme à la ville ; l’hiver, les loups viennent jusqu’aux portes des bergeries qui sont au bout du pays. Est-ce que chaque commune ne devrait pas avoir son maître d’école ?

— Vous avez raison, père Lascience ; mais, vous comprenez, C’est l’affaire de messieurs si haut placés, que leurs regards n’arrivent pas au fond de nos misères, et, à l’heure qu’il est, pour quoi comptons-nous, nous autres paysans ? Nous suons sang et eau du matin au soir ; nous payons les impôts, et nous ne pouvons pas amasser de quoi racheter nos enfants qu’on tue à la guerre ; nous ne pouvons pas même voter. Vraiment ! J’ai bien du chagrin en pensant que mon petit peinera toute sa vie comme moi.

Mon père s’efforça en vain de me faire accepter la situation que le sort me réservait, je le pouvais me résigner à rester ignorant, le cœur gros de soupirs, je m’approchai du cousin Pierrot, plus âgé que moi de quelques années, et je lui dis :

— Val quand je serai grand, j’apprendrai tout de même !

— Bêta, me répondit Pierrot, quand on est