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Page:Guinault - Le numéro treize (1880).pdf/25

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LA VEILLÉE

— Ça n’en vaut pas mieux, gros Colas, les livres nous apprennent beaucoup de choses. Quant à moi, je donnerais de bon cœur une feuillette par an pour que mon petit gars ne fût pas comme moi. Mais, pourquoi y penser ? C’est trop loin, l’école !

— Oh non ! père, vous verrez, j’irai bien, je voudrais tant savoir lire !

— Faut pas en parler, garçon, c’est impossible !

Je me mis à pleurer.

— Hélas ! voilà qu’il pleure, l’innocent ! Il est si entendu pour son âge ! Il faut qu’il connaisse les tenants et les aboutissants, votre filleul, compère. Quel dommagæ de ne pouvoir pas le faire instruire comme était feu mon oncle ; le tabellion Il aurait fait son chemin… Allons, viens, petiot. que je te parle, je vais te dire ma raison : Tu sais bien Jacques, des Robinots ?

— Oui, père.

— Eh bien ! un jour il est parti à l’école avec son panier au bras et une bûche sous l’autre. Il y avait de la neige et il faisait très froid. Le père Jui dit : J’aimerais mieux te voir rester, fillot, il fait trop mauvais aujourd’hui.

Le petit ne voulut pas.

Il commençait à être savant et à lire dans l’écriture. Il part. Arrivé au coin du bois, il aperçoit tout à coup deux yeux qui brillent, puis un vilain poil roux qu’il ne fait pas bon voir de près. Il jette sa bûche et son panier et se sauve à toutes jambes.