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Page:Guinault - Le numéro treize (1880).pdf/28

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LE NUMÉRO TREIZE

Lascience eût des idées plus avancées que lui et qu’il passât pour avoir des accointances avec les puissances ténébreuses.

Dans le village, il inspirait une certaine crainte ; mais il était si gai, si bonhomme, qu’on l’aimait quand même et qu’on avait recours à lui dans les cas difficiles ; ce dont plus d’un pouvait se louer ; car, pour l’intelligence et le bon sens, il n’y en avait pas deux pareils dans le pays.

On avait aussi intérêt à ménager un homme dont le mécontentement produisait, croyait-on, des résultats funestes, tandis que sa bienveillance était une source de bonheur et de prospérité.

On lui attribuait un pouvoir absolu sur les loups qui jetaient si souvent l’effroi dans nos villages : il les métamorphosait, disait-on, comme bon lui semblait, voire même en bottes de paille.

Une telle crédulité paraîtrait inventée à plaisir si, au sein de nos villes, aujourd’hui que ce dernier demi-siècle a jeté sur la société des flots de lumière, on n’en trouvait, hélas ! d’analogues, de similaires.

Comment alors s’étonner que des paysans ignorants, éloignés de tout centre intelligent, nourris des plus folles superstitions, croient à la puissance des « meneurs de loups », quand tels, ayant fait des études, ont foi à des billevesées de même nature.

La saine raison est rare partout ; c’est l’éducation qui la développe ou qui la tue, selon qu’elle est appuyée ou non sur de bons principes.

La vieille Mathurine, seule, se permettait de