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Page:Guinault - Le numéro treize (1880).pdf/29

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LA VEILLÉE

contredire mon parrain. Comme elle avait acheté secrètement, d’un charlatan qui passait, un cheveu de Filmenu, la fée des quenouilles, elle se croyait à l’abri de tout maléfice. Ce prétendu talisman était enfermé dans un médaillon de plomb qu’elle portait au cou ; elle ne l’avait jamais aperçu, même en mettant ses grandes bésicles : mais elle avait confiance au charlatan.

Elle jouissait aussi d’une certaine autorité et se targuait d’une fine pénétration et d’être bonne conseillère. Elle voyait tout à travers le nuage de superstitions dont son esprit était saturé : c’est elle qui contribuait le plus à les répandre et à les perpétuer,

La Toinon, une grande brune, qui aimait mieux causer avec les voisines que raccommoder les habits de ses enfants, accourut, un jour, tout effarée chez elle.

— Ma pauvre Mathurine ! en voilà un malheur !

— Quoi donc, ma petite ?

— Ma vache… ma pauvre vache qui devient tout enflée…

— Bah ! ta vache ? tout enflée ? Pas possible ! Ça n’est pas naturel : il y a quelque chose là-dessous.

— Hélas ! que je suis malheureuse ! Mais qu’est-ce que j’ai donc fait pour ça, Mathurine ?

— Heu ! heu ! ma Toinon, il ne s’agit pas de ce que tu as fait ! Ecoute ; tu es jeune : je ne veux pas te tromper… Voyons, parle-moi franc. Qu’as-tu fait pour détourner les sorts ?