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Page:Guinault - Le numéro treize (1880).pdf/42

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LE NUMÉRO TREIZE

Déjà on entendait du bruit dans la rue et des voix qui parlaient bas, qui gémissaient, qui se lamentaient.

— Bonnes gens ! c’est le gare-loup… c’est le gare-loup… Bénédiction du ciel, venez à notre secours !

Les hommes en manches de chemises, coiffés du bonnet de coton, s’agitaient, s’armaient de fourches, de fléaux, de pioches, de tout ce qui leur tombait sous la main ; les femmes, arrachées brusquement au sommeil, avaient rapidement passé leur jupon court et fourré leurs pieds nus dans des sabots.

La vieille Mathurine, ahurie, croyant prendre son casaquin, avait, dans sa précipitation, saisi un vieux sac décousu d’un côté qui se trouvait sur une chaise.

Voyant sa méprise et le froid de la nuit, elle avait prudemment mis le sac sur sa tête, sa figure jaunie passait par l’ouverture.

Ainsi costumée, brandissant son balai, criant, courant, bavardant, on l’aurait prise pour une vraie sorcière faisant plus de bruit que de besogne.

— Allons donc ! les hommes, criait-elle, est-ce que c’est l’ouvrage des femmes de courir après les gare-loups ? Miséricorde ! si j’étais seulement un homme ! Il va ravager nos champs ! Pouah ! ça sent le soufre ! Courez donc ! lâches que vous êtes ! — Elle les poursuivait avec son balai. — Allez donc, poltrons ! nous recommanderons vos âmes à Dieu, nous autres !