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Page:Guinault - Un républicain au village (1876).pdf/6

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quelque chose qui n’est pas clair. M. Filencourt dit qu’un républicain, c’est un propre-à-rien, un partageux, un voleur, un assassineux, et qu’il ne faut point écouter tous ces brigands-là, parce que ça porte malheur.

— Tais-toi donc, va, ma pauvre Phrasie, tu te fais des idées comme ceux qui ne savent rien de rien ! Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son, comme on dit. C’est tout de même rudement malheureux qu’on trompe toujours le pauvre monde ! Nous nous entendons mieux à planter nos choux qu’à la politique, et les malins à qui ça profite nous bernent que c’en est pitoyable ! Ce n’est pas difficile de nous mener comme il leur plaît ; ça ne leur coûte pas plus qu’à moi de tirer la bride de la Grise pour qu’elle aille à droite et à gauche.

— Seigneur ! qu’est-ce que tu me racontes là ! Est-ce que le républicain ensorcellerait aussi les femmes ! Dis donc, la Claudine, c’est pour me faire endêver que tu me racontes des balivernes ?

— Je vais te dire, ma fille, tu es jeune ; mais tu as du raisonnement, tu vas voir. Pas plus tard qu’hier, j’étais quasiment comme toi, mais à cette heure, je vois bien que c’est des bêtises. Je croyais, moi, qu’en piochant dur, du matin au soir, on pouvait se mettre un petit morceau de pain sur la planche et le garder pour ses vieux jours. Dame ! qui est-ce qui aurait cru que les Prussiens nous mangeraient notre blé en herbe ? Ah ! malheur… Tout ça nous apprend qu’il faut de la réflexion à seule fin que