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en mocassins

baisers du vautour, le dernier d’entre nous dormira, les yeux ouverts, son dernier sommeil. »

« Ô mer, nous avons longtemps chanté avec tes flots, qu’ils pleurent avec nous maintenant notre sort lamentable ! Dans la tempête et dans la nuit, qu’ils redisent désormais nos noms ; qu’ils les mêlent à leurs gémissements, à leurs immenses clameurs ; qu’ils nous prêtent leur voix, lorsqu’un aimable zéphire les fera chanter en cadence, et nos mânes en seront consolés ! »

« Échos, répétez nos plaintes ! Nuages, pleurez sur nous ! Ô vent, ne nous refuse pas tes soupirs, ni toi, ô foudre, tes rauques sanglots ! Que la nature au moins se souvienne de nous ! »

Un long silence succède à ce chant funèbre.

« Mes Frères, » dit enfin l’un des patriarches nommé Agohao, c’est-à-dire Le-Loup : « La gaîté du soleil descend jusqu’au fond des eaux : nos cœurs seraient-ils plus tristes que l’abîme ?… Voyez cette douce lumière, ce moment même et cette buée qui voile un peu la mer : si vous saviez quel souvenir précieux ils me rappellent !… Écoutez mon récit, ensuite je vous confierai mon dessein et vous me direz si l’espoir ne renaît pas dans vos cœurs découragés. »

« C’était par un matin semblable à celui-ci ; je chassais, seul, à la faveur d’une brume légère, et voici que j’aperçois, étendu sur la mer, un gigantesque