N’est-elle pas la tortue qui reçut et berça sur son dos les six patriarches à peine sortis des mains du Créateur ? On se le demande…
Quoi qu’il en soit, un concert d’approbation s’élève autour d’elle, et les bêtes possédées se dispersent en appelant leurs nombreuses familles.
D’immenses volées d’oiseaux, comme il s’en voit aux époques de migration, arrivent de tous côtés. Les autres animaux viennent à la nage, et l’assemblée disparate grossit, devient innombrable. C’est un sillonnement en tous sens des airs et des eaux, une confusion de cris sauvages, et bientôt, l’accumulation de toutes sortes d’objets autour de la carapace épique. Brin à brin, les oiseaux apportent, qui des algues, qui des joncs, qui des roseaux ; les palmipèdes se dépouillent de leur édredon ; les passereaux charroient les plumes qu’ils trouvent flottantes.
Du fond de l’océan les castors, les loutres, les rats-musqués, tirent de la terre et des racines, des éponges et des coquillages. À tout cela s’ajoutent les apports de la mer elle-même, car le vent s’élève et les vagues massent, autour de l’ouvrage, les algues dont elles charroient de larges tapis verdâtres.
Cependant la tortue Mère, aidée de sa puissante famille, pousse lentement l’île flottante vers le midi, à l’endroit présumée comme terme de l’émouvante chute. D’un œil attentif elle suit en effet minutieusement la dramatique aventure dont, par bonheur,