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la fiancée du manitou

dont une couvée prend ses ébats devant elle, en bas de la côte. Le queue renversée sur le dos, ils courent en sautillant sur les aiguilles rousses et la fine mousse grise, autour d’une fantasmagorie de racines arrachées du sol, celles d’un arbre renversé par quelque ancienne tempête. Ils ont là, dans la terre bouleversée, de petites cachettes caverneuses, fermées par des rideaux de mousse et de brindilles, et gaîment, ils se promènent dans le voisinage de leurs sombres demeures. Mais tout-à-coup ils ne sont plus là… L’ombre d’un émérillon vient de passer au milieu de leurs joies, sur le sol taché de soleil.

Maintenant, Lilino, les yeux à demi fermés, semble écouter.

Au fond des bois, l’eau murmure parmi les pierres ; l’écho s’empare des sons, les prolonge et les enjolive. Inspirée probablement par cette musique fuyante, confuse, la jeune fille, d’un accent de mélancolique ivresse, se met à parler aux manitous :

Fugitifs esprits des fontaines,
Je vous entends mêler vos voix ;
Mais j’ai fait bien des courses vaines,
En vous poursuivant sous les bois.

Vos transparentes silhouettes,
Dès que je veux les voir de près,
S’effacent mieux que des bluettes,
Ou s’envolent comme des traits.