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Page:Guindon - En Mocassins, 1920.djvu/31

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en mocassins

assassiné par un Huron. Un vieux chef plaide pour le coupable devant les missionnaires et lance cette tirade dont le pathétisme n’a pas besoin de commentaire : « C’est un démon qui a mis la hache dans la main de l’assassin. Est-ce toi, ô Soleil, qui l’a poussé à son crime fatal ? Pourquoi n’as-tu pas refusé ta lumière, pour lui donner à lui-même horreur de son forfait ? Étais-tu son complice ? Non, non ! il marchait dans les ténèbres et ne savait où il allait. Il croyait, le malheureux, ne frapper qu’un jeune Français ; mais il frappait en même temps sa patrie d’un coup mortel. La terre s’est ouverte, elle a bu le sang de l’innocent, et il s’est formé un abîme pour nous engloutir tous, car nous sommes tous coupables. »[1]

Ce n’est pas seulement pathétique, mais cette substitution du peuple entier au coupable, est on ne peut plus habile.

Cet art traditionnel, la Ligue le développa encore, en rendant les relations sociales plus étendues et plus compliquées, la diplomatie plus importante et la discipline plus nécessaire.

L’éloquence iroquoise fut justement admirée des Européens, parce que, dans un langage imagé, symbolique et d’une extraordinaire précision, elle ne lançait que des traits allant droit au but.

  1. « Relation de Bressani, » traduc. franç., p. 86.