Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/11

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lui en arrière et en secret, il le reprochait publiquement, en présence du peuple ; à ceux qui avaient ainsi parlé, leur disant : « Pourquoi avez-vous dit de moi telles et telles choses, indignes de ma sainteté ? » Et comment aurait-il pu les savoir, si le démon ne l’en eût instruit ? Il portait une tunique et un capuchon de poil de chèvre, et devant le monde s’abstenait de boire et de manger ; mais lorsqu’il se rendait en secret dans l’hôtellerie, il s’empiffrait tellement que le valet ne suffisait pas à porter tout ce qu’il demandait. Les nôtres l’ayant surpris, et ayant mis au jour ses fourberies, il fut chassé du territoire de la cité, et nous n’avons pas su où il était allé ensuite. Il se disait citoyen de la ville de Bordeaux. Sept ans auparavant avait paru un autre grand imposteur qui avait trompé beaucoup de gens par ses fourberies. Il était vêtu d’une tunique sans manches, et enveloppé par dessus dans un suaire. Il portait une croix de laquelle pendaient des fioles, qu’il disait contenir de l’huile sainte. Il prétendait venir de l’Espagne, et en rapporter des reliques des bienheureux martyrs Vincent prêtre et Félix. Arrivant le soir à la basilique de Saint-Martin de Tours, au moment, où nous étions à table, il nous envoya ses ordres, en disant : « Qu’on vienne au devant des reliques des saints. » Comme l’heure était déjà avancée, nous répondîmes, « que les saintes reliques reposent sur l’autel, jusqu’à ce que demain matin nous allions les recevoir. » Mais lui, se levant au point du jour, vint avec sa croix sans que nous l’attendissions, et entra dans notre cellule. Stupéfait et m’émerveillant d’une telle hardiesse, je lui demandai ce que cela