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CHRONIQUE

roi, donne-leur la faveur de ta bénédiction. » Colomban lui dit : « Sachez qu’ils ne porteront jamais le sceptre royal, car ils sont sortis de mauvais lieux. » Elle, furieuse, ordonna aux enfans de se retirer. L’homme de Dieu étant sorti de la cour de la reine, au moment où il passait le seuil un bruit terrible se fit entendre, mais ne put réprimer la fureur de cette misérable femme qui se prépara à lui tendre des embûches. Elle fit ordonner par des messagers aux voisins du monastère de ne permettre à aucun des moines d’en dépasser les limites, et de ne leur accorder ni retraite, ni quelque secours que ce fût. Saint Colomban, voyant la colère royale soulevée contre lui, se rendit promptement à la cour, pour réprimer par ses avertissemens cet indigne acharnement. Le roi était alors à Espoisse, sa maison de campagne. Colomban y étant arrivé au soleil couchant, on annonça au roi que l’homme de Dieu était là et qu’il ne voulait pas entrer dans la maison du roi. Alors Théodoric dit qu’il valait mieux honorer à propos l’homme de Dieu que de provoquer la colère du Seigneur en offensant un de ses serviteurs. Il ordonna donc de préparer toutes choses avec une pompe royale, et d’aller au-devant du serviteur de Dieu. Ils vinrent donc, et, selon l’ordre du roi, offrirent leurs présens. Colomban, voyant qu’on lui présentait des mets et des coupes avec la pompe royale, demanda ce qu’ils voulaient. On lui dit : « C’est ce que t’envoie le roi. » Mais, les repoussant avec malédiction, il répondit : « Il est écrit : le Très-Haut réprouve les dons des impies ; il n’est pas digne que les lèvres des serviteurs de Dieu soient souillées de ses mets, celui qui leur interdit l’entrée, non seule-