Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/31

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ensemble et couchaient dans un même lit. Un soir Chramnisinde avait préparé à souper et avait invité Sichaire à son festin. Celui-ci étant venu ils se mirent ensemble à table. Comme Sichaire, pris de vin, tenait à Chramnisinde beaucoup de fâcheux propos, il en vint à dire, à ce qu’on rapporte : « Tu dois bien me rendre grâces, ô mon très cher frère, de ce que j’ai tué tes parents, car la compensation que tu as reçue pour cela fait que l’or et l’argent abondent dans ta maison ; tu serais maintenant nu et misérable, si cela ne t’avait pas un peu remonté. » Ces paroles de Sichaire excitèrent une grande amertume dans l’ame de Chramnisinde, et il dit en lui-même : « Si je ne venge pas la mort de mes parents, je mérite de perdre le nom d’homme et d’être appelé une faible femme. » Aussitôt, ayant éteint les lumières, il fendit avec sa dague la tête de Sichaire, qui, en ce dernier moment de sa vie, jeta un faible cri et tomba mort. Les serviteurs qui étaient venus avec lui prirent la fuite. Chramnisinde dépouilla le cadavre de tous ses vêtements et le pendit aux branches d’un buisson ; puis, montant à cheval, il alla trouver le roi. Il entra dans l’église, et, s’étant jeté à ses pieds, lui dit : « Je te demande la vie, ô roi très glorieux, pour avoir tué les gens qui, après avoir fait périr en secret mes parents, ont enlevé tous mes biens. » Alors, ayant exposé son affaire en détail, la reine Brunehault, qui avait pris Sichaire sous sa garantie, trouva très mauvais qu’il eût été tué de cette manière, et commença à s’emporter contre Chramnisinde. Voyant qu’elle lui était contraire, il se retira à Besagesxix dans le pays de Bourges, où habitaient ses parents, parce qu’il était mal vu dans le royaume