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vie de saint léger

ils commencèrent à craindre qu’il ne méditât de nuire avec audace au roi à qui il voulait du mal, et de retenir seulement le nom du prince qu’il aurait dû élever au trône solennellement, pour la gloire de la patrie. Une multitude de nobles qui se hâtaient de se rendre en présence du roi, ayant reçu d’Ébroin l’ordre de rebrousser chemin, se réunirent alors en conseil, abandonnèrent le parti de Théodoric, et élurent son frère cadet qui avait eu en partage le royaume d’Austrasie. Ceux qui ne voulurent pas acquiescer à leur résolution, ou s’enfuirent secrètement, ou menacés d’incendie et en péril pour leur vie, y consentirent à regret, tant il y avait de crainte de la tyrannie d’Ébroin.

Tous offrirent donc à Childéric le royaume de Neustrie, aussi bien que celui de Bourgogne. Le tyran alors, voyant que cela se passait à cause de ses crimes, s’enfuit à l’autel d’une église ; son trésor fut à l’instant envahi, et ce que cet homme inique avait amassé méchamment et à la longue, fut justement dissipé en un instant. Alors quelques évêques, et particulièrement Léger, intercédèrent pour lui, et obtinrent qu’il ne serait pas tué ; il fut envoyé en exil au monastère de Luxeuil, pour y laver par la pénitence les crimes qu’il avait commis. Mais comme il avait les yeux du cœur aveuglés par la poussière terrestre, la sagesse spirituelle ne gagna jamais rien sur la méchanceté de son âme.

Childéric ordonna qu’on lui amenât son frère, à la place duquel il avait été appelé, afin de s’entretenir avec lui ; mais quelques hommes qui passaient pour les premiers du royaume, et qui voulaient plaire à Childéric en le flattant, osèrent témérairement cou-