Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/347

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à l’envi les uns des autres, à s’attaquer avec des haines horribles ; et comme il n’y avait point de roi établi au faîte du pouvoir, chacun voyait la justice dans sa propre volonté, et agissait sans redouter aucun frein. Nous connûmes bientôt que la colère de Dieu était venue ; car nous vîmes se montrer dans le ciel l’étoile que les astrologues nomment comète, et dont l’apparition présage à la terre troublée par la famine, le changement des rois, les attaques des Gentils et les maux de la guerre. Mais, comme il est écrit, les insensés ne se laissent pas corriger par les paroles, encore moins par des signes ; aussi ceux qui étaient revenus de l’exil où ils avaient été à cause de leurs mauvaises actions, accusaient le parti de Léger de toutes leurs souffrances.

Cependant l’homme de Dieu était retenu, pour sa sûreté, par les mêmes ducs qui l’avaient tiré naguères du monastère de Luxeuil. En ce moment, en effet, la grâce d’en haut accorda à son serviteur une si imposante autorité qu’autour de lui, les ducs, leurs femmes, tous leurs compagnons, leur famille, et même tout le peuple se précipitaient, offrant de se dévouer à lui. Les hommes qui le retenaient auprès d’eux annoncèrent aux grands des pays d’alentour qu’ils avaient reconnu que la grâce divine était sur Léger, serviteur de Dieu ; et touchés d’un pieux amour, ils s’unirent pour sa défense, et arrêtèrent ensemble, que si, au milieu de tout ce trouble, et avant qu’ils eussent élevé sur le trône le roi Théodoric, quelqu’un voulait faire mal à Léger, ils le défendraient d’un commun accord.

Dans ce temps Ébroin, semblable à Julien qui