Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/349

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pour aller ensemble vers Théodoric roi des Francs. Comme ils avançaient, et presque au milieu du chemin, le tyran Ébroin les abandonna, alla rejoindre les siens, et quittant l’habit ecclésiastique, retourna à sa femme[1], comme un chien à son vomissement. Hors d’état de combattre au milieu des soldats du Christ, il attaqua ses ennemis avec les armes séculières, et après avoir trahi Dieu et la foi, il se montra ennemi déclaré, même de son seigneur d’ici-bas. Théodoric, rentré en possession de son royaume, était en sûreté à Saint-Cloud, lorsque Ébroin arriva subitement avec les Austrasiens. Qui pourrait dire pleinement quel pillage eut lieu alors et du trésor royal, et de celui de l’église, que par amour de la chrétienté catholique avaient enrichie tant de pieux monarques ; Le maire du palais[2] fut tué, et Ébroin fit ce crime, poussé par les mauvais conseils d’hommes diaboliques[3] ; ils se plaignaient que leurs services fussent méprisés ; et parce qu’ils voyaient le peuple se rallier fidèlement a Théodoric, et le serviteur de Dieu Léger rétabli dans sa ville avec la faveur du roi, ils recommencèrent à brûler de chagrin et d’envie ; car, tant que les justes étaient debout, les pervers ne pouvaient recouvrer le pouvoir. Poussés par le diable qui leur avait

  1. Leuditrude.
  2. Leudesius, fils d’Erchinoald, maire de Neustrie sous Clovis II
  3. L’auteur des Gesta Francorum l’attribue à saint Ouen, évêque de Rouen, à qui Ébroin demanda conseil sur la conduite qu’il avait à tenir, et qui lui répondit : de Frédégonde te souvienne ! « Ébroin, dit-il, qui était d’un esprit très pénétrant, comprit ces paroles, et ayant fait venir Leudesius, après lui avoir donné sa foi qu’il ne lui serait fait aucun mal, il le mit à mort » (Gesta Franco, c. 45, dans le Recueil des historiens de France, t. II, p. 569).