Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/391

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
383
VIE DE PEPIN-LE-VIEUX.

mandait avec une grande liberté de langage, lui reprochant son ingratitude aux grands bienfaits de Dieu. Mais lui, plus soumis à ses sales desirs qu’à de sages avis, aurait mieux aimé, comme un insensé qu’il était, faire périr d’une manière quelconque le médecin que de guérir de la fureur de son mal ; grandement excité au crime par les suggestions perverses d’hommes réprouvés, méchamment envieux des vertus de Pépin. Mais, semblable au saint animal qui porte des yeux devant et derrière, Pépin voyait de tous côtés autour de lui, et se conduisait prudemment avec tous. Cependant, pour me servir des propres expressions de l’histoire des Francs, l’amour de la justice et la crainte de Dieu qu’il aimait le délivrèrent du mal. Il n’y a pas lieu de s’étonner si, corrompu par une si éclatante situation, le roi, encore mal affermi dans la voie du Seigneur, se laissa cheoir de son obéissance dans la maison de fornication et dans les desirs homicides, puisque David, choisi selon le cœur de Dieu, et qui avait reçu l’enseignement de ses prophètes, aussitôt que vint à lui manquer le poids des afflictions, emporté par la légèreté d’un esprit lascif, se précipita dans les embrassemens illicites de la femme d’autrui ; puis, pour couvrir l’infamie du crime qu’il avait commis, fit périr un soldat dévoué à son service, ajoutant ainsi le meurtre à l’adultère. Mais le Dieu très-bon qui lava David de son crime par la pénitence, conserva, par une circonstance inespérée, le roi Dagobert innocent du sang du juste ; car, voyant qu’il ne pouvait faire tomber Pépin dans ses pièges, et considérant en même temps, par de plus sages réflexions, que sa dignité serait ébranlée