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VIE DE PEPIN-LE-VIEUX.

comme cette propriété était éloignée et qu’on n’y pouvait aller sans danger, on commença peu à peu à la négliger, jusqu’à ce qu’enfin elle tombât en d’autres mains. Ce sera dire assez quelle fut cette femme pieuse que de raconter comment elle vécut après la mort de son pieux époux, afin que, par la manière dont elle usa de sa liberté, on connaisse combien elle se comporta religieusement sous le pouvoir de son mari. Veuve de la société de son pieux époux, la bienheureuse Itta résolut de ne pas recevoir d’autre amant qui pût la détourner de son premier attachement, et l’entraîner à de nouvelles coutumes et de nouvelles amours. Elle embrassa le projet d’une sainte continence, afin que si elle n’avait pu gagner la palme plus glorieuse de la pureté virginale, elle obtînt du moins le mérite de la viduité, qui touche et même égale presque celui de la virginité. Mais considérant avec prudence de combien de manières a coutume d’être attaquée la fermeté d’un vœu si saint, soit lorsque la femme, vaincue intérieurement par la concupiscence de nature, est contrainte de désirer l’homme, soit lorsque, libre au dedans, elle est extérieurement forcée par la concupiscence de l’homme à subir ses embrassemens, elle voulut se retrancher cette double occasion de tentations, tant intérieures qu’extérieures, celle-là en mortifiant la chair, celle-ci en se couvrant du voile sacré. Depuis long-temps cependant elle avait éteint la flamme de la concupiscence intérieure par une habituelle abondance de larmes. Mais la défense de sa chasteté contre les tentatives des hommes lui apportait plus de sollicitudes. Car quelques-uns la recherchaient à cause de l’hon-