Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/54

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et nos enfants, car je ne retournerai pas avec toi parce que celui qui vit en mariage ne verra pas le royaume de Dieu. » Celui-ci vint vers moi, et me raconta tout ce que lui avait dit sa femme. Alors je me rendis au monastère, et j’y lus un canon du concile de Nicée, ainsi conçu : « Si une femme quitte son mari, et dédaigne le lit dans lequel elle a bien vécu, disant qu’il n’y a pas de part dans la gloire du royaume céleste pour celui qui vit en mariage, qu’elle soit anathèmexxxviii. » Berthegonde l’ayant entendu, et craignant d’être privée de la communion par les évêques, retourna avec son mari. Trois ou quatre ans après, sa mère envoya de nouveau vers elle, la suppliant de venir la trouver. Alors, en l’absence de son mari, ayant chargé une barque tant de ce qui lui appartenait que de ce qui appartenait à son mari, elle prit avec elle un de ses fils, et vint débarquer à Tours. Mais comme sa mère ne put la garder avec elle à cause de la méchanceté de son mari, et de peur qu’il ne suivit l’accusation qu’il avait faussement portée contre elle, elle l’envoya vers son fils Bertrand, frère de Berthegonde, et évêque de Bordeaux. Son mari l’y poursuivant, Bertrand lui dit : « Comme tu l’as épousée sans le consentement de ses parents, elle ne sera point ta femme. » Il y avait près de trente ans qu’ils étaient mariés. Son mari vint plusieurs fois à Bordeaux ; mais l’évêque ne voulut pas la lui rendre. Le roi Gontran étant venu, comme nous l’avons dit dans un livre précédent [VIII], à la ville d’Orléans, cet homme commença à attaquer l’évêque avec des paroles très aigres, disant : « Tu m’as enlevé ma femme et ses serviteurs ; et voilà ce qui ne convient point à un évêque, que