Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/55

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toi avec mes servantes, et elle avec tes serviteurs, vous vous livriez à la honte de l’adultère. » Alors le roi, irrité de colère, força l’évêque de promettre de la rendre à son mari, disant : « Elle est ma parente ; et si elle a fait quelque chose de mal dans la maison de son mari, j’aurai soin d’en prendre vengeance ; mais autrement pourquoi livrer cet homme à toute sorte de honte, et lui enlever sa femme ? » L’évêque Bertrand le promit, et dit : « Ma sœur est venue vers moi, j’en conviens, après plusieurs années révolues ; et par amitié pour elle et sur son désir, je l’ai gardée avec moi, ainsi qu’il lui plaisait ; maintenant elle m’a quitté : la demande donc et la reprenne qui voudra, je n’y mettrai pas d’obstacle. » Après avoir parlé ainsi, il lui envoya secrètement des messagers pour lui dire de prendre l’habit, d’entrer en religion, et de se rendre dans la basilique de Saint-Martin, ce qu’elle fit sans aucun retard. Son mari vint, suivi de beaucoup de gens, pour l’enlever du lieu saint. Elle avait pris l’habit religieux, assurait qu’elle avait embrassé la pénitence, et refusa de suivre son mari. Cependant l’évêque Bertrand étant mort dans la ville de Bordeaux, elle revint à elle-même, et dit : « Malheur à moi d’avoir écouté les conseils de ma méchante mère ! Voilà que mon frère est mort ; je suis délaissée de mon mari, séparée de mes fils ; où irai-je, malheureuse, et que ferai-je ? » Alors elle se détermina à se rendre à Poitiers. Sa mère voulut la retenir avec elle, mais ne put y parvenir ; il en résulta entre elles de l’inimitié, et elles venaient souvent en la présence du roi ; l’une voulant garder les biens de son père, l’autre ceux de son mari. Berthegonde montra la donation que lui