Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/155

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avec des clous enfoncés à coups de marteau pour la sûreté des chevaux ; et, rendant grâces au Seigneur, ils prirent d’autres chevaux et s’en allèrent, déguisant aussi leurs vêtements. Mais lorsqu’ils furent arrivés à la Moselle[1] xxiii, en la traversant, ils trouvèrent des hommes qui les arrêtèrent ; et, ayant laissé leurs chevaux et leurs vêtements, ils passèrent l’eau sur des planches et arrivèrent à l’autre rive, et, dans l’obscurité de la nuit, ils entrèrent dans la forêt où ils se cachèrent. La troisième nuit était arrivée depuis qu’ils voyageaient sans avoir goûté la moindre nourriture ; alors, par la permission de Dieu, ils trouvèrent un arbre couvert du fruit vulgairement appelé prunes, et ils les mangèrent. S’étant un peu soutenus par ce moyen, ils continuèrent leur route et entrèrent en Champagne. Comme ils y voyageaient, ils entendirent le trépignement de chevaux qui arrivaient en courant, et dirent : « Couchons-nous à terre, afin que les gens qui viennent ne nous aperçoivent pas. » Et voilà que tout à coup ils virent un grand buisson de ronces, et passant auprès ils se jetèrent à terre, leurs épées nues, afin que, s’ils étaient attaqués, ils pussent se défendre avec leur framée, comme contre des voleurs. Lorsque ceux qu’ils avaient entendus arrivèrent auprès de ce buisson d’épines, ils s’arrêtèrent, et l’un des deux, pendant que leurs chevaux lâchaient leur urine, dit : « Malheur à moi, de ce que ces misérables se sont enfuis sans que je puisse les retrouver ; mais je le dis, par mon salut, si nous les trouvons, l’un sera condamné au gibet, et je ferai hacher l’autre en pièces à coups d’épée. »

  1. Il faut probablement lire la Meuse qui coule en effet entre Trêves et Rheims.