Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/331

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de nos mains. » Voyant son danger, il mit sa femme en sûreté dans les murs de la ville de Laon, et s’enfuit vers le roi Gontran qui le reçut avec bienveillance, et il demeura caché près de lui, en attendant que Childebert parvînt à l’âge de régner xii.

De Nogent où il était, comme je l’ai dit, le roi Chilpéric ordonna qu’on fît partir les bagages, et se disposa à venir à Paris. Comme j’étais allé pour lui dire adieu, il vint un certain Juif, nommé Priscus, familier avec le roi qui s’en servait pour acheter des joyaux d’or et d’argent. Le roi l’ayant pris doucement par les cheveux, s’adressa à moi, disant : « Viens, prêtre de Dieu, et impose-lui les mains. » L’autre résistant, le roi dit : « Ô esprit dur, race toujours incrédule, qui ne comprends pas le fils de Dieu que lui a promis la voix de ses prophètes, qui ne comprends pas les mystères de l’Église figurés dans ces sacrifices ! » Alors le Juif lui dit : « Dieu n’a pas besoin de se marier ; il ne s’enrichit point de postérité, et ne souffre point de compagnons de sa puissance ; il a dit par la bouche de Moïse : Considérez que je suis le Dieu unique, qu’il n’y en a point d’autre que moi seul : c’est moi qui fais mourir, et c’est moi qui fais vivre ; c’est moi qui blesse, et c’est moi qui guéris[1]. » Le roi dit : « Dieu a engendré spirituellement, dès l’éternité, un fils qui n’est pas plus jeune d’âge que lui, pas moindre en puissance, et à qui il a dit : Je vous ai engendré de mon sein avant l’étoile du jour[2]. Celui donc qui était né avant les siècles a été envoyé dans les derniers siècles du monde pour le guérir, comme dit ton prophète ; il

  1. Deut. chap. 32, v. 39.
  2. Ps. 109, v.4.