Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/94

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force de son bras. Le sculpteur étend sa règle sur le bois, et le forme avec le rabot ; il le dresse à l’équerre, il lui donne ses traits et ses proportions avec le compas, et fait enfin l’image d’un homme qu’il rend le plus beau qu’il peut, et il le loge dans une niche : il en a pris lui-même pour se chauffer, et il prend le reste, il en fait un dieu, et l’adore ; il en fait une image morte devant laquelle il se prosterne, et qu’il prie en lui disant : Délivrez-moi ; car vous êtes mon dieu. J’ai fait du feu de la moitié de ce bois, j’en ai fait cuire du pain sur les charbons, j’y ai fait cuire la chair que j’ai mangée, et du reste j’en ferai une idole ; je me prosternerai devant un tronc d’arbre ; une partie de ce bois est déjà réduite en cendres, et cependant son cœur insensé adore l’autre, et il ne pense point à tirer son âme de l’égarement où elle est, en disant : certainement cet ouvrage de mes mains n’est qu’un mensonge[1]. » La nation des Francs ne comprit pas d’abord cela, mais elle le reconnut plus tard, comme la suite de cette histoire le fera connaître.

Avitus, un des sénateurs, et, comme on sait bien, citoyen de l’Auvergne, ayant été élevé à l’empire de Rome[2] [455], et voulant mener une conduite déréglée, fut chassé par le sénat et nommé ensuite évêque de Plaisance. Ayant découvert que le sénat, encore irrité contre lui, voulait attenter à sa vie, il partit chargé d’un grand nombre d’offrandes pour la basilique du bienheureux martyr saint Julien d’Auvergne. Mais, ayant atteint en route le terme de la carrière de sa vie, il mourut et fut porté au village de Brioude, et enterré

  1. Isaïe, chap. 44, v. 6-20.
  2. En 455.