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INTRODUCTION.

assigné, il lui reste toujours quelque chose des diverses acceptions qu’il a reçues ; ce sont des nuances que l’on ne doit jamais négliger : on apprendra à les connaître dans deux sources principales, l’usage écrit et l’usage parlé.

L’usage écrit se détermine d’après l’emploi qu’ont fait des termes les auteurs classiques de la langue. On n’a pas assez fait sentir encore la nécessité d’appuyer les distinctions établies entre les mots synonymes sur des exemples tirés des grands écrivains ; c’est le seul moyen d’assurer une autorité reconnue à des distinctions précaires tant qu’elles ne sont fondées que sur un avis isolé. Non seulement celui qui suivra cette marche donnera de la solidité à son travail, il découvrira de plus une infinité de modifications à travers lesquelles ont passé les termes dans les ouvrages de différents genres et de divers temps. Les bons auteurs sont les témoins irrécusables des variations de la langue ; ils lui en font subir eux-mêmes que leur nom seul fait adopter ; eux seuls peuvent nous apprendre à les connaître.

Cette étude est d’autant plus importante, que nous voyons quelquefois le même mot employé par certains auteurs dans une acception différente de celle qui lui a été donnée par d’autres, et lié ainsi à diverses familles de synonymes : cela est arrivé surtout à l’époque où la langue s’est fixée. L’expression d’honnête homme nous en offrira un exemple frappant : dans Saint-Évremond, elle est constamment synonyme de celle d’homme de bon ton, de bonne compagnie : dans ce sens, il appelle Pétrone un des plus honnêtes hommes du monde ; c’était même ainsi qu’on l’entendait dans la société. Cependant Boileau a pris honnête homme pour synonyme d’homme vertueux, lorsqu’il a dit que Lucilius, dans ses satires :

Vengea l’humble vertu de la richesse altière,
Et l’honnête homme à pied du faquin en litière.

Aujourd’hui l’expression d’honnête homme n’est susceptible que de l’acception adoptée par Boileau ; celle d’homme honnête ne semble pas éloignée du sens que Saint-Évremond donnait à la première ; et cependant celle-ci doit avoir conservé quelque chose de son ancienne signification, puisque l’abbé Roubaud a considéré honnête homme et homme honnête comme étant encore synonymes.