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xxij INTRODUCTION.


langues ont concouru à sa formation ; les Phéniciens et les Grecs ayant formé des colonies le long des côtes de la mer Méditerranée, y laissèrent des traces de leur langage et de leurs mœurs. Les Francs, lors de leur invasion dans les Gaules y apportèrent le Teutonique, qui s'associa bientôt au Gaulois ; on en trouve des exemples dans la Préface que Borel a mise en tête de son Dictionnaire du vieux français. Avant les Francs étaient venus les Romains, dont la domination s'était établie dans une partie des Gaules, et dont la langue constituait l'ancien Romant qui a servi de base au français actuel. Les irruptions des Anglais en Bretagne, la conquête de l'Angleterre par Guillaume, donnèrent lieu à de nouveaux mélanges, et cette multiplicité de langues qui se réunirent pour former le français, a été la source d'un grand nombre de synonymes. On en a déjà vu une preuve dans les mots bannir, exiler. Je pourrais en citer beaucoup d'autres ; je me bornerai à une seule, tirée des mots guerrier, belliqueux.


Belliqueux a été formé du latin bellum : guerrier est l'adjectif du substantif guerre, dérivé du vieux mot tiois (On appelle langue tioise celle qui se forma du mélange de l'allemand et du gaulois, lors de l'établissement des Francs dans les Gaules : on l'appelle aussi theuth-franc ou franc-theuth.) werra, qui signifiait sédition, guerre intestine, et qui se retrouve dans les Capitulaires de Charles le Chauve (tit. 23, chap. 15), ainsi que dans l'Épitre de l'empereur Henri. (Voyez les ANNALES du moine Geoffroy, sur l'an 1195.) C'est originairement le teutonique wahren, garder, garantir ; sich bewahren, se défendre, se tenir sur ses gardes, d'où les Anglais ont tiré les mots war, guerre ; to ward, garder, etc. La filiation de ce mot est susceptible de grands développements, mais il me suffit de montrer par cet exemple quelle infinité de synonymes ont dû naître de la variété des langues qui ont concouru à la formation de la nôtre.


3° La facilité que les savants avaient, dans l'origine, pour former de nouveaux mots par des alliances étymologiques, souvent obscures et bizarres, fut une nouvelle source de synonymes ; elle y contribua encore indirectement en répandant sur le sens propre des mots une indetermination


(1) On appelle langue tioise celle qui se forma du mélange de l’allemand et du gaulois, lors de l’établissement des Francs dans les Gaules: On l’appelle aussi theuth-franc ou fran-theuth.