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INTRODUCTION. xxiij


que le petit nombre des gens lettrés et des livres était peu propre à dissiper. Nous savons que l'orthographe a demeuré longtemps incertaine ; sous Louis XIV même la plupart des gens de la cour en ignoraient les règles ; c'est le siècle de Louis XV qui l'a rendue vulgaire, et cependant une incorrection qui blesse à la fois l'œil et l'entendement devait être plus facile à écarter, que l'indécision du sens des mots, dont l'entendement seul est offensé. Or, cette indécision, est comme nous l'avons vu, ce qui s'oppose le plus à la distinction des synonymes.


4°. Le passage des mots de leur sens propre à un sens figuré n'a pas peu contribué à augmenter le nombre des synonymes. " Les langues les plus riches, dit Dumarsais, n'ont point un assez grand nombre de mots pour exprimer chaque idée particulière par un terme qui ne soit que le signe propre de cette idée ; ainsi l'on est souvent obligé d'emprunter le mot propre de quelque autre idée qui a le plus de rapport à celle qu'on veut exprimer. " De nouveaux liens de synonymie ont ainsi associé des mots jusque là éloignés les uns des autres. L'influence de tous les tropes s'est fait plus ou moins sentir. La métaphore, en transportant la signification propre des mots à une signification qui ne peut leur convenir qu'en vertu d'une comparaison que l'esprit a conçue ; la métonymie, en prenant le signe pour le signifié, l'effet pour la cause, le contenant pour le contenu ; la synecdoche, en généralisant ou particularisant le sens propre des mots ; plusieurs autres tropes enfin ont fait naître de nouveaux rapports de synonymie. Aussi c'est par métaphore que le mot lumière, qui ne désignait d'abord que la clarté, le jour, est devenu au pluriel synonyme des mots connaissances, sciences, etc. C'est par synecdoche que l'expression les mortels, qui comprend à la rigueur tous les animaux sujets à la mort comme nous, est synonyme des expressions les humains, les hommes, etc. La fécondité de cette cause est trop évidente pour qu'il soit nécessaire d'entrer dans de plus longs développements.


5°. Les termes, en passant de l'une des parties du discours à une autre, n'ont pas toujours gardé le même sens. Les verbes formés d'un substantif se sont écartés de leur origine ; les adverbes, les adjectifs, ont suivi une marche aussi irrégulière. Voltaire a même remarqué que " les