Page:Guizot - Dictionnaire universel des synonymes, 1809.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

xxiv INTRODUCTION.


mots en passant du substantif au verbe ont rarement la même signification. " Ainsi le substantif félicité est synonyme de bonheur ; le verbe féliciter qui en dérive est synonyme de congratuler ; l'adjectif plaisant s'est formé du verbe plaire, et a désigné d'abord ce qui plaît, ce qui charme ; ce sens s'est altéré dans la suite, il est devenu synonyme de comique, facétieux, ridicule ; enfin il a formé lui - même le verbe plaisanter, tandis que son contraire déplaisant a gardé sa première signification ; nouvelle source d'une infinité de synonymes.


Telles sont les principales causes qui ont étendu la synonymie des mots ; je n'en indiquerai pas un plus grand nombre ; ceux qui s'appliqueront avec soin à cette partie de la grammaire pourront s'occuper à les rechercher ; ils verront bientôt que cette recherche répand un grand jour, non seulement sur l'histoire des synonymes, mais encore sur celle de la langue, et que cette branche des travaux du philologue, quelque particulière qu'elle paraisse d'abord, porte des fruits qui ne sont pas à dédaigner.


Cette utilité gagnera autant en étendue qu'en importance, si l'on considère l'étude des synonymes sous un point de vue plus général : elle exerce la sagacité de l'esprit en l'accoutumant à distinguer ce qu'il serait aisé de confondre ; en déterminant le sens propre des termes, elle prévient les disputes de mots dont une équivoque, un malentendu, sont presque toujours la cause ; elle fixe l'usage dont elle devient le témoin et l'interprète ; elle recueille, pour ainsi dire, les feuilles éparses où sont contenus les oracles de cette impérieuse Sibylle ; elle peut même les suppléer en s'aidant des ressources que l'analyse logique et grammaticale lui fournit ; elle fait acquérir au style cette propriété d'expression, cette précision, pierre de touche des grands écrivains ; enfin elle enrichit la langue de tous les termes qu'elle distingue d'une manière positive : ce n'est pas la répétition des mêmes sons, mais celle des mêmes idées qui fatigue le lecteur ; l'esprit se lasse plus aisément que l'oreille ; la preuve en est dans cette multitude de particules, de conjonctions, etc., dont le retour continuel n'est pas pénible à l'entendement, parce qu'elles amènent ou remplacent de nouvelles idées : la variété des idées est donc plus essentielle à la richesse de la langue que celle des sons ; rien ne contribue aussi efficacement à l'augmenter, que l'étude