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INTRODUCTION.

J’ai dit que la synonymie proprement dite faisait la troisième partie de son ouvrage ; elle en est peut-être la meilleure. Logicien sûr, habile dialecticien, l’abbé Roubaud n’écrit ni pour plaire ni pour amuser, mais pour trouver la vérité et pour instruire ; il choisit, non les applications les plus propres à le faire briller, mais celles qui présentent les principes avec le plus de clarté et d’évidence ; il ne perd jamais de vue cette analyse rigoureuse qui doit servir de fil conducteur dans la découverte des nuances distinctives du sens des mots ; il sait mettre dans ses dissertations de la variété et de la chaleur ; enfin, on voit en lui un homme nourri de la lecture des classiques anciens et modernes, qui sait puiser chez eux ses exemples, et qui cherche toujours à donner au développement de ses idées un intérêt propre, tiré du sujet même. (Voyez entre autres le développement des synonymes balancer, hésiter, Syn. de Roubaud, t. I, p. 216.)

Ces qualités assurent à l’abbé Roubaud un rang distingué parmi ceux qui se sont appliqués à l’étude des synonymes : il est, dans mon opinion, supérieur à tous ses rivaux, quoique son ouvrage ne soit ni aussi agréable à lire, ni aussi facile à juger que celui de l’abbé Girard.

Je terminerai ici cet Essai sur la théorie des synonymes ; il aurait été susceptible de plus grands développemens, mais j’ai dû me borner aux principes les plus essentiels, et je n’ai eu d’autre ambition que celle d’indiquer la route. En général, on cherche peu, en France, à donner aux études une direction philosophique : les théories générales nous sont peu familières ; on dirait que la contention d’esprit et l’examen qu’elles nécessitent nous font peur ; elles seules cependant peuvent contenir de grandes vues et des règles positives ; elles seules peuvent mettre de l’ensemble dans nos idées et dans nos opinions ; je vois entre ces théories et les recherches particulières la même différence qu’entre les livres faits pour des hommes et les livres faits pour des enfants ; ceux-ci doivent précéder les autres, ils doivent être placés à l’entrée de notre carrière d’instruction et de travail ; mais ne pas aller au-delà, ne pas s’avancer jusqu’aux principes généraux dont ils contiennent l’application, c’est perdre le fruit des lumières acquises et des matériaux amassés.