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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/111

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une force prodigieuse. Faite avec des idées et des passions morales, elle a eu sur-le-champ un éclat, une grandeur qui avaient manqué à l’invasion germaine ; elle s’est déployée avec plus d’énergie et d’enthousiasme ; elle a frappé bien autrement l’esprit des hommes.

Telle était, Messieurs, du cinquième au neuvième siècle, la situation de l’Europe ; pressée au Midi par les Mahométans, au Nord par les Germains et les Slaves, il était impossible que la réaction de cette double invasion ne tînt pas dans un désordre continuel l’intérieur du territoire européen. Les populations étaient sans cesse déplacées, refoulées les unes sur les autres ; rien de fixe ne pouvait s’établir ; la vie errante recommençait sans cesse partout. Il y avait sans doute quelque différence à cet égard entre les différents États : le chaos était plus grand en Allemagne que dans le reste de l’Europe ; c’était le foyer du mouvement ; la France était plus agitée que l’Italie. Mais nulle part la société ne pouvait s’asseoir ni se régler ; la barbarie se prolongeait partout, et par la même cause qui l’avait fait commencer.

Voilà pour la cause matérielle, celle qui se prend dans le cours des événements ; j’en viens à la cause morale, prise dans l’état intérieur de l’homme, et qui n’était pas moins puissante.

Après tout, Messieurs, quels que soient les événements extérieurs, c’est l’homme lui-même qui fait le monde ; c’est en raison des idées, des sentiments, des dispositions morales et intellectuelles de l’homme que le monde se règle en marche ; c’est de l’état intérieur de l’homme que dépend l’état visible de la société.