Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/131

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chacun dans son habitation, à de grandes distances les uns des autres. Vous entrevoyez à l’instant quelle influence ce changement put exercer sur le caractère et le cours de la civilisation. La prépondérance sociale, le gouvernement de la société passa tout à coup des villes aux campagnes ; la propriété privée dut prendre le pas sur la propriété publique, la vie privée sur la vie publique. Tel fut le premier effet, un effet purement matériel, du triomphe de la société féodale. Plus nous y pénétrerons, plus les conséquences de ce seul fait se dévoileront à nos yeux.

Examinons cette société en elle-même, et voyons quel rôle elle a dû jouer dans l’histoire de la civilisation. Prenons d’abord la féodalité dans son élément le plus simple, dans son élément primitif, fondamental ; considérons un seul possesseur de fief dans son domaine ; voyons ce que sera, ce que doit faire, de tous ceux qui la composent, la petite société qui se forme autour de lui.

Il s’établit dans un lieu isolé, élevé, qu’il prend soin de rendre sûr, fort ; il y construit ce qu’il appellera son château. Avec qui s’y établit-il ? Avec sa femme, ses enfants ; peut-être quelques hommes libres qui ne sont pas devenus propriétaires, se sont attachés à sa personne, et continuent à vivre avec lui à sa table. C’est là ce qui habite dans l’intérieur du château. Tout autour, au pied, se groupe une petite population de colons, de serfs qui cultivent les domaines du possesseur du fief. Au milieu de cette population inférieure, la religion vient planter une église ; elle y amène un prêtre. D’ordinaire, dans les premiers temps du régime féodal, ce prêtre est à la