Aller au contenu

Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fois le chapelain du château et le curé du village ; un jour les deux caractères se sépareront ; le village aura son curé, qui habitera à côté de son église. Voilà la société féodale élémentaire, la molécule féodale, pour ainsi dire. C’est cet élément que nous avons d’abord à examiner ; nous lui ferons la double question qu’il faut adresser à tous les faits : qu’en a-t-il dû résulter pour le développement 1º de l’homme même, 2º de la société ?

Nous avons bien le droit d’adresser, à la petite société que je viens de décrire, cette double question, et d’ajouter foi à ses réponses, car elle est le type, l’image fidèle de la société féodale dans son ensemble. Le seigneur, le peuple de ses domaines, et le prêtre, telle est, en grand comme en petit, la féodalité, quand on en a séparé la royauté et les villes, éléments distincts et étrangers.

Le premier fait qui me frappe en considérant cette petite société, c’est la prodigieuse importance que doit prendre le possesseur du fief, à ses propres yeux et aux yeux de ceux qui l’entourent. Le sentiment de la personnalité, de la liberté individuelle, était le sentiment dominant dans la vie barbare. Il s’agit ici de tout autre chose ; ce n’est plus seulement la liberté de l’homme, du guerrier ; c’est l’importance du propriétaire, du chef de famille, du maître. De cette situation doit naître une impression de supériorité immense ; supériorité toute particulière, et bien différente de ce qui se rencontre dans le cours des autres civilisations. J’en vais donner la preuve. Je prends dans le monde ancien une grande situation aristocratique, un patricien romain, par exemple :