Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/144

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parlons aujourd’hui d’un pouvoir public, de ce que nous appelons les droits de la souveraineté, le droit de donner des lois, de taxer, de punir, nous savons, nous pensons tous que ces droits n’appartiennent à personne, que personne n’a, pour son propre compte, le droit de punir les autres, de leur imposer une charge, une loi. Ce sont là des droits qui n’appartiennent qu’à la société en masse, qui sont exercés en son nom, quelle ne tient pas d’elle-même, qu’elle reçoit de plus haut. Ainsi, quand un individu arrive devant la force investie de ces droits, le sentiment qui domine en lui, peut-être à son insu, c’est qu’il est en présence d’un pouvoir public, légitime, qui a mission pour lui commander, et il est en quelque sorte soumis d’avance et intérieurement. Il en était tout autrement sous la féodalité. Le possesseur du fief, dans son domaine, sur les hommes qui l’habitaient, était investi de tous les droits de la souveraineté ; ils étaient inhérents au domaine, matière de propriété privée. Ce que nous appelons aujourd’hui les droits publics, c’était des droits privés ; ce que nous appelons des pouvoirs publics, c’était des pouvoirs privés. Quand un possesseur de fief, après avoir exercé la souveraineté en son nom, comme propriétaire, sur toute la population au milieu de laquelle il vivait, se rendait à une assemblée, à un parlement tenu auprès de son suzerain, parlement peu nombreux, en général, et composé de ses pareils ou à peu près, il n’apportait pas là, il n’en remportait pas l’idée d’un pouvoir public. Cette idée était en contradiction avec toute son existence, avec tout ce qu’il avait fait dans l’intérieur de ses domaines. Il ne voyait