Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/147

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Qui s’étonnerait du mauvais succès de ces tentatives d’organisation ?

Nous avons considéré la société féodale, d’abord dans son élément le plus simple, dans son élément fondamental, puis dans son ensemble. Nous avons cherché, sous ces deux points de vue, ce qu’elle avait dû faire, ce qui avait découlé de sa nature quant à son influence sur le cours de la civilisation. Nous sommes, je crois, conduits à ce double résultat :

1º La féodalité a dû exercer une assez grande influence, et, à tout prendre, une influence salutaire sur le développement intérieur de l’individu ; elle a suscité dans les âmes des idées, des sentiments énergiques, des besoins moraux, de beaux développements de caractères, de passion.

2º Sous le point de vue social, elle n’a pu fonder ni ordre légal, ni garanties politiques ; elle était indispensable pour recommencer en Europe la société tellement dissoute par la barbarie, qu’elle n’était pas capable d’une forme plus régulière ni plus étendue ; mais la forme féodale, radicalement mauvaise en soi, ne pouvait ni se régulariser, ni s’étendre. Le seul droit politique que le régime féodal ait su faire valoir dans la société européenne, c’est le droit de résistance : je ne dis pas de la résistance légale ; il ne pouvait être question de résistance légale dans une société si peu avancée. Le progrès de la société est précisément de substituer, d’une part, les pouvoirs publics aux volontés particulières ; de l’autre, la résistance légale à la résistance individuelle. C’est là le grand but, le principal perfectionnement de l’ordre social ; on laisse à la liberté personnelle une grande latitude ;