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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/148

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puis, quand la liberté personnelle vient à faillir, quand il faut lui demander compte d’elle-même, on s’adresse uniquement à la raison publique ; on appelle la raison publique à vider le procès qu’on fait à la liberté de l’individu. Tel est le système de l’ordre légal et de la résistance légale. Vous comprenez sans peine que, sous la féodalité, il n’y avait lieu à rien de semblable. Le droit de résistance qu’a soutenu et pratiqué le régime féodal, c’est le droit de résistance personnelle ; droit terrible, insociable, puisqu’il en appelle à la force, à la guerre, ce qui est la destruction de la société même ; droit qui cependant ne doit jamais être aboli au fond du cœur des hommes, car, son abolition, c’est l’acceptation de la servitude. Le sentiment du droit de résistance avait péri dans l’opprobre de la société romaine, et ne pouvait renaître de ses débris ; il ne sortait pas non plus naturellement, à mon avis, des principes de la société chrétienne. La féodalité l’a fait rentrer dans les mœurs de l’Europe. C’est l’honneur de la civilisation de le rendre à jamais inactif et inutile ; c’est l’honneur du régime féodal de l’avoir constamment professé et défendu.

Tel est, Messieurs, si je ne m’abuse, le résultat de l’examen de la société féodale considérée en elle-même, dans ses éléments généraux, et indépendamment du développement historique. Si nous passons aux faits, à l’histoire, nous verrons qu’il est arrivé ce qui devait arriver, que le régime féodal a fait ce qu’il devait faire, que sa destinée a été conforme à sa nature. Les événements peuvent être apportés en preuve de toutes les conjectures, de toutes les inductions que je viens de tirer de la nature même de ce régime.