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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/151

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social. Les uns n’ont pu se figurer qu’un système social dans lequel on trouvait tant de beaux sentiments, tant de vertus, dans lequel on voyait naître toutes les littératures, les mœurs prendre quelque élévation, quelque grandeur, qu’un tel système fût aussi mauvais, aussi fatal qu’on le prétendait. Les autres n’ont vu que le mal fait par la féodalité à la masse de la population, l’obstacle apporté à l’établissement de l’ordre et de la liberté, et ils n’ont pu croire qu’il en fût sorti de beaux caractères, de grandes vertus, un progrès quelconque. Les uns et les autres ont méconnu le double élément de la civilisation ; ils ont méconnu qu’elle consistait dans deux développements, dont l’un pouvait, dans le temps, se produire indépendamment de l’autre, quoiqu’au bout des siècles, et par la longue série des faits, ils dussent s’appeler et s’amener réciproquement.

Du reste, Messieurs, ce qu’a été la féodalité, elle devait l’être ; ce qu’elle a fait, elle devait le faire. L’individualité, l’énergie de l’existence personnelle, tel était le fait dominant parmi les vainqueurs du monde romain ; le développement de l’individualité devait donc résulter, avant tout, du régime social fondé par eux et pour eux. Ce que l’homme lui-même apporte dans un système social, au moment ou il y entre, ses dispositions intérieures, morales, influent puissamment sur la situation où il s’établit. La situation, à son tour, réagit sur les dispositions et les fortifie et les développe. L’individu dominait dans la société germaine ; c’est au profit du développement de l’individu que la société féodale, fille de la société germaine, a déployé son influence. Nous