Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/150

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de l’ordre général qu’à l’extension de la liberté générale. Sous quelque point de vue que vous considériez le progrès de la société, vous rencontrez le régime féodal comme obstacle. Aussi, dès que la société féodale existe, les deux forces qui ont été les grands mobiles du développement de l’ordre et de la liberté, d’une part le pouvoir monarchique, de l’autre le pouvoir populaire, la royauté et le peuple, l’attaquent et luttent sans relâche contre elle. Quelques tentatives ont été faites à diverses époques pour la régulariser, pour en faire un état un peu légal, un peu général : en Angleterre, par Guillaume-le-Conquérant et ses fils, en France par Saint-Louis, en Allemagne par plusieurs des empereurs. Tous les essais, tous les efforts ont échoué. La nature même de la société féodale repoussait l’ordre et la légalité. Dans les siècles modernes, quelques hommes d’esprit ont tenté de réhabiliter la féodalité comme système social, ils ont voulu y voir un état légal, réglé, progressif ; ils s’en sont fait un âge d’or. Demandez-leur où ils le placent, sommez-les de lui assigner un lieu, un temps, ils n’y réussiront point ; c’est une utopie sans date, c’est un drame pour lequel on ne trouve, dans le passé, ni théâtre ni acteurs. La cause de l’erreur est facile à découvrir ; et elle explique également la méprise de ceux qui ne peuvent prononcer le nom de la féodalité, sans y joindre un anathème absolu. Les uns et les autres n’ont pas pris soin de considérer la double face sous laquelle la féodalité se présente ; de distinguer, d’une part, son influence sur le développement individuel de l’homme, sur les sentiments, les caractères, les passions ; de l’autre, son influence sur l’état