Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/154

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des autres éléments de la civilisation européenne, une différence immense. J’ai indiqué, comme éléments fondamentaux de notre civilisation, le régime municipal, le régime féodal, la royauté de l’Église. Le régime municipal, au cinquième siècle, n’était plus qu’un débris de l’Empire romain, une ombre sans vie et sans forme arrêtée. Le régime féodal ne sortait pas encore du chaos. La royauté n’existait que de nom. Tous les éléments civils de la société moderne étaient dans la décadence ou l’enfance. L’Église seule était à la fois jeune et constituée ; seule elle avait acquis une forme définitive, et conservait toute la vigueur du premier âge ; seule elle possédait à la fois le mouvement et l’ordre, l’énergie et la règle, c’est-à-dire les deux grands moyens d’influence. N’est-ce pas, je vous le demande, par la vie morale, par le mouvement intérieur, d’une part, et par l’ordre, par la discipline, de l’autre, que les institutions s’emparent des sociétés ? L’Église avait remué d’ailleurs toutes les grandes questions qui intéressent l’homme, elle s’était inquiétée de tous les problèmes de sa nature, de toutes les chances de sa destinée. Aussi son influence sur la civilisation moderne a-t-elle été très grande, plus grande peut-être que ne l’ont faite même ses plus ardents adversaires ou ses plus zélés défenseurs. Occupés de la servir ou de la combattre, ils ne l’ont considérée que sous un point de vue polémique, et n’ont su, je crois, ni la juger avec équité, ni la mesurer dans toute son étendue.

L’Église se présente au cinquième siècle comme une société indépendante, constituée, interposée entre les maîtres du monde, les souverains, les possesseurs