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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/203

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La tentative ne pouvait réussir ; il n’y avait pas moyen de refaire la société romaine avec des Barbares. Comme le monde civil, l’Église elle-même tomba dans la barbarie. C’est son second état. Quand on compare les écrits des chroniqueurs ecclésiastiques du huitième siècle, avec ceux des siècles précédents, la différence est immense. Tout débris de civilisation romaine a disparu, même le langage ; on se sent enfoncer, pour ainsi dire, dans la barbarie. D’une part, des Barbares entrent dans le clergé, deviennent prêtres, évêques ; de l’autre, des évêques adoptent la vie barbare, et, sans quitter leur évêché, se font chefs de bandes, et errent dans le pays, pillant, guerroyant comme les compagnons de Clovis. Vous voyez dans Grégoire de Tours plusieurs évêques, entre autres Salone et Sagittaire, qui passent ainsi leur vie.

Deux faits importants se sont développés au sein de cette Église barbare. Le premier, c’est la séparation du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. C’est à cette époque que ce principe a pris son développement. Rien de plus naturel. L’Église n’ayant pas réussi à ressusciter le pouvoir absolu de l’Empire romain, pour le partager, il a bien fallu qu’elle cherchât son salut dans l’indépendance. Il a fallu qu’elle se défendît par elle-même partout, car elle était à chaque instant menacée. Chaque évêque, chaque prêtre, voyait ses voisins barbares intervenir sans cesse dans les affaires de l’Église pour envahir ses richesses, ses domaines, son pouvoir ; il n’avait d’autre moyen de se défendre que de dire : « L’ordre spirituel est complètement séparé de l’ordre temporel ; vous n’avez pas le droit de vous en mêler. » Ce principe est devenu,