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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/209

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la raison individuelle a recommencé à réclamer son héritage ; voilà les premiers auteurs du mouvement de liberté qui s’est associé au mouvement de réforme d’Hildebrand et de saint Bernard. Quand on cherche le caractère dominant de ce mouvement, on voit que ce n’était pas un changement d’opinion, une révolte contre le système des croyances publiques ; c’était simplement le droit de raisonner revendiqué pour la raison. Les élèves d’Abailard lui demandaient, nous dit-il lui-même dans son Introduction à la Théologie, « des arguments philosophiques et propres à satisfaire la raison, le suppliant de les instruire, non a répéter ce qu’il leur apprenait, mais à le comprendre ; car nul ne saurait croire sans avoir compris, et il est ridicule d’aller prêcher aux autres des choses que ne peuvent entendre ni celui qui professe, ni ceux qu’il enseigne… Quel peut être le but de l’étude de la philosophie, sinon de conduire à celle de Dieu, auquel tout doit se rapporter ? Dans quelle vue permet-on aux fidèles la lecture des écrits traitant des choses du siècle, et celle des livres des Gentils, sinon pour les former à l’intelligence des vérités de la Sainte-Écriture, et à l’habileté nécessaire pour les défendre ?… C’est dans ce but surtout qu’il faut s’aider de toutes les forces de la raison, afin d’empêcher que, sur des questions aussi difficiles et aussi compliquées que celles qui font l’objet de la foi chrétienne, les subtilités de ses ennemis ne parviennent trop aisément à altérer la pureté de notre foi. »

L’importance de ce premier essai de liberté, de cette renaissance de l’esprit d’examen, fut bientôt