Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/219

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des villes du cinquième au onzième siècle, depuis la chute de l’Empire romain jusqu’au moment où la révolution communale a commencé. Ici, je le répète, les diversités sont très grandes ; l’état des villes a prodigieusement varié dans les différents pays de l’Europe ; cependant il y a des faits généraux qu’on peut affirmer à peu près de toutes les villes ; et je m’appliquerai à m’y renfermer. Quand j’en sortirai, ce que je dirai de plus spécial s’appliquera aux communes de la France, et surtout aux communes du nord de la France, au-dessus du Rhône et de la Loire : celles-là seront en saillie dans le tableau que j’essaierai de tracer.

Après la chute de l’Empire romain, Messieurs, du cinquième au dixième siècle, l’état des villes ne fut un état ni de servitude ni de liberté. On court dans l’emploi des mots la même chance d’erreur que je vous faisais remarquer l’autre jour dans la peinture des hommes et des événements. Quand une société a duré longtemps, et sa langue aussi, les mots prennent un sens complet, déterminé, précis, un sens légal, officiel en quelque sorte. Le temps a fait entrer dans le sens de chaque terme une multitude d’idées qui se réveillent dès qu’on le prononce, et qui, ne portant pas toutes la même date, ne conviennent pas toutes au même temps. Les mots servitude et liberté, par exemple, appellent aujourd’hui dans notre esprit des idées infiniment plus précises, plus complètes que les faits correspondants des huitième, neuvième ou dixième siècles. Si nous disons que les villes étaient au huitième siècle dans un état de liberté, nous disons beaucoup trop ; nous attachons aujourd’hui au mot