Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/24

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que pendant les troubles qui, au seizième siècle, mirent les Pays-Bas aux prises avec l’Espagne, un sultan s’étant fait montrer sur la carte le pays dont on parlait sans cesse, s’écria que s’il était de Philippe, il aurait bientôt fini avec les rebelles, et qu’il se contenterait d’envoyer quelques-uns de ses pionniers pour jeter leur petit coin de terre dans la mer. Le despote proportionnait l’importance d’un peuple à l’étendue de son territoire. Il ne savait pas qu’Athènes et sa banlieue avaient joué dans le monde un rôle plus brillant que l’immense empire des Perses, et qu’une nation, quoique resserrée dans d’étroites limites, s’agrandit de tout ce qu’elle fait de grand, ainsi que des contrées sur lesquelles elle exerce son influence.

Remontant à une période dont l’histoire n’a point gardé la mémoire, au lieu des monuments écrits nous n’aurons à interroger que notre sol. C’est à la géologie que nous demanderons nos premiers souvenirs : il y aura peut-être quelque poésie dans la peinture de cette terre silencieuse et déserte qui surgit lentement du sein des flots, et que les flots menacent encore aujourd’hui malgré l’ingénieuse et opiniâtre résistance de ceux qui l’habitent. Ce travail de la nature, préludant au travail de l’homme, annonçait un peuple qui ne doit rien qu’à son activité.

Dans cette période, infinie par la durée, si courte, au contraire, par les faits, surnagent quelques rares traditions que la chronologie a de la peine à fixer, mais dont, malgré leur nébuleuse incertitude, il est possible de tirer des conséquences fécondes. N’est-ce pas, en effet, de ces temps reculés que datent déjà