Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/256

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voyageurs s’affranchit, que l’habitude d’observer des peuples divers, des mœurs, des opinions différentes, étend les idées, dégage le jugement des anciens préjugés. Le même fait s’est accompli chez ces peuples voyageurs qu’on a appelés les croisés ; leur esprit s’est ouvert et élevé par cela seul qu’ils ont vu une multitude de choses différentes, qu’ils ont connu d’autres mœurs que les leurs. Ils se sont trouvés d’ailleurs en relation avec deux civilisations, non seulement différentes, mais plus avancées ; la société grecque d’une part, la société musulmane de l’autre. Nul doute que la société grecque, quoique sa civilisation fût énervée, pervertie, mourante, ne fît sur les croisés l’effet d’une société plus avancée, plus polie, plus éclairée que la leur. La société musulmane leur fut un spectacle de même nature. Il est curieux de voir dans les chroniques l’impression que produisirent les croisés sur les Musulmans ; ceux-ci les regardèrent au premier abord comme des barbares, comme les hommes les plus grossiers, les plus féroces, les plus stupides qu’ils eussent jamais vus. Les croisés, de leur côté, furent frappés de ce qu’il y avait de richesses, d’élégance de mœurs chez les Musulmans. À cette première impression succédèrent bientôt entre les deux peuples de fréquentes relations. Elles s’étendirent et devinrent beaucoup plus importantes qu’on ne le croit communément. Non seulement les chrétiens d’Orient avaient avec les Musulmans des rapports habituels, mais l’Occident et l’Orient se connurent, se visitèrent, se mêlèrent. Il n’y a pas longtemps qu’un des savants qui honorent la France aux yeux de l’Europe, M. Abel Rémusat, a mis à découvert les relations des empereurs