Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/264

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son énergie. Ils avaient aussi cherché dans les croisades une vie nouvelle, plus large, plus variée ; ils commençaient à la trouver en Europe même, dans les progrès des relations sociales. C’est à cette époque que s’ouvre devant les rois la carrière de l’agrandissement politique. Pourquoi aller chercher des royaumes en Asie, quand à sa porte on en avait à conquérir ? Philippe Auguste allait à la croisade à contre-cœur ; quoi de plus naturel ? Il avait à se faire roi de France. Il en fut de même pour les peuples. La carrière de la richesse s’ouvrit devant eux ; ils renoncèrent aux aventures pour le travail. Les aventures furent remplacées pour les souverains, par la politique, pour les peuples, par le travail en grand. Une seule classe de la société continua à avoir du goût pour les aventures ; ce fut cette partie de la noblesse féodale qui, n’étant pas en mesure de songer aux agrandissements politiques, et ne se souciant pas du travail, conserva son ancienne position, ses anciennes mœurs. Aussi a-t-elle continué à se jeter dans les croisades et tenté de les renouveler.

Tels sont, Messieurs, à mon avis, les grands, les véritables effets des croisades : d’une part, l’étendue des idées, l’affranchissement des esprits ; de l’autre, l’agrandissement des existences, une large sphère ouverte à toutes les activités : elles ont produit à la fois plus de liberté individuelle et plus d’unité politique. Elles ont poussé à l’indépendance de l’homme et à la centralisation de la société. On s’est beaucoup enquis des moyens de civilisation qu’elles ont directement importés d’Orient ; on a dit que la plupart des grandes découvertes qui, dans le cours des quatorzième