Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/263

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certain nombre de centres de société, au lieu de la dispersion qui existait auparavant, ce sont là les deux plus grands effets des croisades dans le sein de la féodalité.

Quant aux bourgeois, un résultat de même nature est facile à reconnaître. Les croisades ont créé les grandes communes. Le petit commerce, la petite industrie, ne suffisaient pas pour créer des communes telles qu’ont été les grandes villes d’Italie et de Flandre. C’est le commerce en grand, le commerce maritime, et particulièrement le commerce d’Orient et d’Occident qui les a enfantées : or, ce sont les croisades qui ont donné au commerce maritime la plus forte impulsion qu’il eût encore reçue.

En tout, quand on regarde l’état de la société à la fin des croisades, on trouve que ce mouvement de dissolution, de dispersion des existences et des influences, ce mouvement de localisation universelle, s’il est permis de parler ainsi, qui avait précédé cette époque, a cessé et a été remplacé par un mouvement en sens contraire, par un mouvement de centralisation. Tout tend à se rapprocher. Les petites existences s’absorbent dans les grandes ou se groupent autour d’elles. C’est en ce sens que marche la société, que se dirigent tous ses progrès.

Vous comprenez à présent, Messieurs, pourquoi, à la fin du treizième et au quatorzième siècle, les peuples et les souverains ne voulaient plus de croisades ; ils n’en avaient plus besoin ni envie ; ils s’y étaient jetés par l’impulsion de l’esprit religieux, par la domination exclusive des idées religieuses sur l’existence tout entière ; cette domination avait perdu