Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/27

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Les chroniqueurs proprement dits nous en apprendront moins sur ces mœurs que les chantres de l’Edda, des Sagas et des Nibelungen, moins que les codes barbares, moins que les légendes naïves de ces saints personnages qui prêchaient à des guerriers farouches la parole de Dieu, et pénétraient, en bravant la mort, dans les repaires où de grossiers colons se cachaient avec leur ignorance et leur cruel fanatisme. Missionnaires de l’invasion, missionnaires de la foi, les uns et les autres marchent à la conquête, ceux-là avec des cris de mort, ceux-ci des paroles de paix sur les lèvres.

Cette belle France couronnée de lys et le signe du salut sur la poitrine, c’est en Belgique qu’elle apparaît d’abord. Là ces premiers chefs dont une tente était le Louvre et à qui un soldat disputait sa part du butin ; là ces drames qui pour être sans éclat n’en sont pas moins pathétiques ; ces discordes de familles, ces vengeances épouvantables dont la terreur fournirait au talent une source d’émotions si poétiques ; là Frédégonde et Brunehaut, et ce Siegbert à qui l’épopée des Nibelungen a donné le nom de Siegfried, en le représentant sous les traits d’Achille ; là ces maires altiers d’Austrasie qui s’apprêtaient à succéder aux Mérovingiens ; là le berceau de ce Karl auquel le titre de Grand a été si justement décerné, et que célébrèrent à l’envi les traditions populaires de son temps et même des siècles qui le suivirent. On eût dit que la Belgique était le point demandé par Archimède et sur lequel Dieu appuyait les formidables leviers destinés à ébranler l’univers.

Entre l’âge de la dissolution sociale par l’invasion