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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/318

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Il s’en faut beaucoup qu’elle s’en rendît compte, comme j’ai essayé de le faire devant vous. Elle ne savait point distinctement ce qui lui manquait, ce qu’elle cherchait. Cependant elle s’est mise à le chercher comme si elle l’avait bien connu. Le quatorzième siècle expiré, après le mauvais succès de toutes les grandes tentatives d’organisation politique, l’Europe entra naturellement et comme par instinct dans les voies de la centralisation. C’est le caractère du quinzième siècle d’avoir tendu constamment à ce résultat, d’avoir travaillé à créer des intérêts généraux, des idées générales, à faire disparaître l’esprit de spécialité, de localité, à réunir, à élever ensemble les existences et les esprits, à créer enfin ce qui n’avait pas existé en grand jusque là, des peuples et des gouvernements.

L’explosion de ce fait appartient au seizième et au dix-septième siècles ; c’est dans le quinzième qu’il a été préparé. C’est cette préparation, ce travail sourd et caché de centralisation, soit dans les relations sociales, soit dans les idées, travail accompli sans préméditation, sans dessein, par le cours naturel des événements, que nous avons à étudier aujourd’hui.

Ainsi, Messieurs, l’homme avance dans l’exécution d’un plan qu’il n’a point conçu, qu’il ne connaît même pas ; il est l’ouvrier intelligent et libre d’une œuvre qui n’est pas la sienne ; il ne la reconnaît, ne la comprend que plus tard, lorsqu’elle se manifeste au dehors et dans les réalités ; et même alors il ne la comprend que très incomplètement. C’est par lui cependant, c’est par le développement de son intelligence