Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et de sa liberté qu’elle s’accomplit. Concevez une grande machine dont la pensée réside dans un seul esprit, et dont les différentes pièces sont confiées à des ouvriers différents, épars, étrangers l’un à l’autre ; aucun d’eux ne connaît l’ensemble de l’ouvrage, le résultat définitif et général auquel il concourt ; chacun cependant exécute avec intelligence et liberté, par des actes rationnels et volontaires, ce dont il a été chargé. Ainsi s’exécute, par la main des hommes, le plan de la Providence sur le monde ; ainsi coexistent les deux faits qui éclatent dans l’histoire de la civilisation, d’une part, ce qu’elle a de fatal, ce qui échappe à la science et à la volonté humaine, d’autre part, le rôle qu’y jouent la liberté et l’intelligence de l’homme, ce qu’il y met du sien parce qu’il le pense et le veut ainsi.

Pour bien comprendre, Messieurs, le quinzième siècle, pour nous rendre un compte exact et clair de cette avant-scène, pour ainsi dire, de la société moderne, nous distinguerons les différentes classes de faits. Nous examinerons d’abord les faits politiques, les changements qui ont tendu à former soit des nations, soit des gouvernements. Nous passerons de là aux faits moraux ; nous verrons les changements survenus dans les idées, dans les mœurs, et nous présenterons quelles opinions générales se sont dès lors préparées.

Quant aux faits politiques, pour procéder simplement et vite, je vais parcourir tous les grands pays de l’Europe, et mettre sous vos yeux ce que le quinzième siècle en a fait, dans quel état il les a pris et laissés.