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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/324

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tenu jusque-là peu de place. Louis XI a substitué dans le gouvernement les moyens intellectuels aux moyens matériels, la ruse à la force, la politique italienne à la politique féodale. Prenez les deux hommes dont la rivalité remplit cette époque de notre histoire, Charles-le-Téméraire et Louis XI : Charles est le représentant de l’ancienne façon de gouverner ; il ne procède que par la violence, il en appelle constamment à la guerre ; il est hors d’état de prendre patience, de s’adresser à l’esprit des hommes pour en faire l’instrument de son succès. C’est au contraire le plaisir de Louis XI d’éviter l’emploi de la force, de s’emparer des hommes individuellement, par la conversation, par le maniement habile des intérêts et des esprits. Il a changé non pas les institutions, non pas le système extérieur, mais les procédés secrets, la tactique du pouvoir. Il était réservé aux temps modernes de tenter une révolution plus grande encore, de travailler à introduire, dans les moyens comme dans le but politique, la justice à la place de l’égoïsme, la publicité au lieu du mensonge. Il n’en est pas moins vrai que c’était déjà un grand progrès que de renoncer au continuel emploi de la force, d’invoquer surtout la supériorité intellectuelle, de gouverner par les esprits, et non par le bouleversement des existences. C’est là, au milieu de ses crimes et de ses fautes, en dépit de sa nature perverse, et par le seul mérite de sa vive intelligence, ce que Louis XI a commencé.

De la France je passe en Espagne ; là je trouve des événements de même nature ; c’est aussi au quinzième siècle que se forme l’unité nationale de l’Espagne ; alors finit, par la conquête du royaume de Grenade,