Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

précié. On sera peut-être, par la suite, moins sévère envers ce duc d’Albe que ses soldats appelaient leur père, et qu’on a transformé en un monstre avide de supplices, tandis que ce n’était qu’un politique inflexible par système, impitoyable par une fausse notion du devoir, et poussant jusqu’à ses dernières conséquences le principe de l’intimidation.

Après tout, il n’est pas mauvais que la sentence des siècles flétrisse sans pitié ceux mêmes que des maximes erronées conduisent à désoler l’humanité. On se souvient du fantastique refrain de la ballade de Burger : les morts vont vite. Qu’ils redoublent de vitesse pour aller au tribunal du juge suprême, provoquer le châtiment de leurs bourreaux, afin d’inspirer une salutaire épouvante à quiconque serait tenté de les imiter.

La Belgique, au moment de s’affranchir, retombe sous le joug de ses maîtres. Dans le peuple, des affections religieuses et des antipathies de tribu ; des jalousies, des intrigues parmi les grands sont les causes ostensibles de ce retour à l’obéissance. Après l’administration douce et modérée mais assoupissante d’Albert et d’Isabelle, ce pays s’énerve et s’efface. Rien de plus sec, de plus décharné que cette partie de notre histoire. Il ne serait pourtant pas impossible de lui donner un peu de vie et d’utilité, en cherchant les rapports qui rattachaient notre administration à la politique des cabinets de Madrid et de Vienne, aux vues secrètes des ministres et des favoris qui dirigeaient ces cours.

Tout change : la société semble avoir hâte de dépouiller ses vieux vêtements. Les institutions meurent